Les épillets sont à l'origine de nombreuses urgences vétérinaires, partout en France. Dès le mois d’avril, ces fragments d’herbes deviennent l’ennemi public numéro un pour votre chien ou votre chat. Quels sont les symptômes ? Que faire si votre chien attrape un épillet ? Comment s’en protéger ? Le Dr Sylvain RANSON répond à vos questions.
Un épillet, ou espigaou, est un fragment végétal issu de plantes graminées. De forme allongée et il se compose :
Un épillet mesure entre 1cm et 4cm, en fonction de la dimensions de poils. De part sa forme typique et l\orientation de ses poils, un épillet ne peut progresser que dans un seul sens.
Au printemps, les graminées sauvages sortent leurs premiers épis. A l’occasion du fauchage, et sous l’effet du soleil, les épis se dessèchent et se séparent en petits fragments végétaux, à la forme allongée, durs et pointus : les épillets ou espigaou (dans le Sud de la France). Chaque épi peut se décomposer en plusieurs dizaines d’épillets, qui volent au vent et se répandent sur les bords des chemins et routes. Toutes les régions de France sont touchées, seule la période de floraison varie avec le climat.
Les plantes à l’origine des épillets sont de la famille des graminées. Compte tenu de la diversité des espèces florales et de la variété des conditions climatiques, les épillets sont aujourd’hui présents dans les différentes régions de France sur une très longue période. Les services d’urgences vétérinaires constatent les premiers épisodes sérieux dès le mois de mars lors des années chaudes, dans le Sud de la France.
La présence des épillets se poursuit jusqu’à la fin de l’automne. Pour suivre les alertes concernant les épillets, n’hésitez pas à consulter notre page en temps réel sur la surveillance du risque épillets.
Leur forme fuselée, leur pointe dure et leur extrême légèreté expliquent pourquoi les épillets sont un réel danger pour vos chiens et chats. A l’occasion d’une promenade, ces fragments d’herbe ont la triste capacité à s’accrocher aux poils et à pénétrer dans les cavités naturelles de votre chien ou chat.
Une fois agrippé, la forme profilée de l’épillet, associée à la présence de poils tous orientés dans le même sens, permet à la graines d’avancer dans les conduits tels que les narines ou les oreilles pour y provoquer de gros dégâts. Toutes les parties du corps peuvent être concernées par les épillets, mais certaines zones sont beaucoup plus fréquemment touchées : les oreilles, les narines, les yeux et les pattes.
Dans certains cas très graves, lorsque l’épillet ‘est pas retiré, sa migration peut provoquer des fistules jusqu’à des organes vitaux. Des épillets ont été retrouvés dans les poumons ou le foie de certains animaux…!
Le conduit le plus fréquemment colonisé par les épillets et l’oreille. Large conduit terminé par un pavillon entouré de poils, cette zone est la plus propice à la fixation des épillets. La migration s’engage alors dans le conduit auriculaire, pour venir butter sur le tympan, la fine membrane qui protège l’oreille interne. Dans les cas les plus avancés, la pointe de l’épillet peut aller jusqu’à perforer le tympan, provoquant des complications sévères.
Tout commence par une gêne ou des démangeaisons au niveau du pavillon, sans grande douleur associée : votre chien secoue la tête. Rapidement, avec le déplacement de l’épillet, l’oreille devient douloureuse à la manipulation. Votre chien tente de se gratter mais déclenche lui-même la douleur. Vous pouvez aussi constater un port de tête anomal : votre chien garde la tête penchée du côté douloureux.
Lorsque l’épillet entre en contact avec le tympan, la douleur devient violente et votre chien se plaint au moindre mouvement de la tête. Impossible de mobiliser l’oreille sans déclencher ses plaintes et hurlements.
La seule procédure qui va soulager votre animal est le retrait de l’épillet. Une consultation en urgence chez le vétérinaire s’impose. Lorsque la douleur est violente, une sédation ou anesthésie sera nécessaire pour la sécurité de votre animal. Pour atteindre le fond du conduit auriculaire, le vétérinaire utilise une pince spéciale, fine et longue. Il est indispensable que votre chien reste immobile pendant la manipulation.
N’appliquez jamais de produit dans l’oreille, vous accélériez le déplacement de l’épillet.
A l’occasion de son exploration des bords de chemins, les barbes de l’épillet s’accrochent aux poils de votre animal, en bordure de l’oeil. Rapidement le fragment d’herbe se retrouve rapidement au contact avec la face interne de la paupière inférieure. Les mouvements de la tête et le grattage avec les pattes fait rapidement basculer l’épillet dans le cul-de-sac rétro-palpébral, entre la face interne de la paupière et la cornée. L’ensemble de la graine frotte alors sur la cornée et provoque rapidement un ulcère très douloureux.
Les différents stades d’un épillet oculaire sont l’oeil clos, l’oeil qui coule et l’oeil rouge. Rapidement, les trois stades se cumulent. Chiens et chats sont confrontés aux épillets oculaires. La douleur étant aiguë, votre animal présentera aussi un abattement ou un état de prostration anormal.
Pour les épillets les plus volumineux, il est fréquent de voir dépasser de l’oeil les brins.
La douleur est souvent importante. Un anesthésie locale de l’oeil à base de tétracaïne est possible mais parfois insuffisante. Pour constater la présence de l’épillet, le vétérinaire doit éverser la troisième paupière de l’animal pour visualiser correctement le cul de sac rétro-palpébral. Cette manipulation se fait à l’aide d’un pince, et peut être périlleux si votre animal s’agite. Une fois la troisième paupière retournée, l’paillet peut être retiré en douceur.
N’essayez jamais de retirer l’épillet par vos propres soins, vous risquez de provoquer un frottement important sur la cornée, et donc d’aggraver l’ulcère naissant. Vous pouvez appliquer du sérum physiologique dans l’oeil en attendant l’intervention du vétérinaire de garde.
Les épillets nasaux concernent les chiens dans 90% des cas, car ces-derniers explorent leur environnement avec leur truffe et leur odorat. La légèreté d’un épillet est telle qu’une simple inspiration suffit à le faire entrer dans la cavité nasale. La forme profilée de l’épillet explique qu’il s’insère systématiquement la pointe en premier. Le fragment végétal entame alors sa migration jusqu’aux cornets nasaux, une zone très sensible et très vascularisée de l’intérieur du nez du chien. Lorsque l’épillet suit le chemin logique des voies nasales, il se retrouve rapidement dans l’arrière gorge, le nano-pharynx, puis l’oro-pharynx.
Le premier signe qui doit vous alerter est l’apparition brutale d’éternuements au retour ou pendant la promenade. L’hypersensibilité de l’intérieur des narines est telle que le moindre corps étranger provoque des quintes d’éternuements réflexes. Lorsque ces crises sont violentes, des gouttes de sang peuvent les accompagner. On parle alors d’épistaxis traumatique.
Lorsque l’épillet vient juste de monter dans la narine, il est fréquent de voir dépasser les barbes. Lorsque le corps étranger migre vers l’arrière des voies respiratoires supérieures, votre chien présente de mouvements de reniflements et raclages de gorge.
Si les barbes de l’épillet dépassent, vous pouvez essayer de tirer délicatement dessus, en évitant de les casser. En pratique, le vétérinaire utilise une pince effilée pour attraper l’épillet le plus proche possible de la graine, pour justement éviter de laisser un morceau dans la narine.
L’utilisation de produit à instiller dans les narines est déconseillée car les éternuements sont rarement suffisants pour évacuer naturellement le brin d’herbe… En revanche les reniflements qu’il provoquent accélèrent la migration et l’enfoncement de l’épillet, le rendant inaccessible.
Les espaces inter-digités (entre les doigts) des pattes de chiens sont une zone de fixation classique des épillets. Le simple fait de marcher dans les herbes peut provoquer la fixation dans les poils de l’extrémité de la patte. Le cul-de-sac entre deux doigts est humide et en perpétuel mouvement, ce qui favorise la fixation de la pointe de l’épillet dans la peau. A la faveur des frottements, l’épillet pénètre complètement sous la peau pour provoquer un véritable tunnel : la fistule sous cutanée. Tant qu’il n’est pas retiré, sa progression continue le long de la patte, provoquant de nombreux abcès.
La fixation d’un épillet entre les doigts est beaucoup plus lente que dans les autres cas, car il n’y a pas de cavité ni de conduit naturel. L’épillet crée son propre chemin ! Les premiers symptômes sont un léchage anormalement fréquent de la même zone. Ce comportement traduit la gêne et un début de douleur. Plus tardivement, le chien peut présenter une boiterie, signe que la douleur s’accentue et l’invalide. Enfin, après quelques jours sous la peau, un abcès se forme. Il est fréquent d’observer plusieurs plaques sans poils sur une patte, qui traduisent la migration de l’épillet sous la peau.
Retirer un épillet dans une fistule est simple… sous réserve de localiser le corps étranger. Pour explorer les abcès, votre chien sera anesthésié. Régulièrement, lorsque le vétérinaire incise sur un abcès, et recherche l’épillet, c’est un échec. En effet, la migration du brin d’herbe est telle qu’il est nécessaire d’explorer largement la zone pour espérer le trouver, souvent à quelques centimètres de la zone opérée initialement. Après suture, la plaie cicatrise en 15 jours.
Les races les plus exposées aux épillets dans les oreilles présentent des facteurs morphologiques similaires:
Les cockers, spaniels, bichons, lhassa asso, etc… sont ainsi des candidats malheureux aux épillets auriculaires.
Concernant les autres sites de fixation (nez, pattes et oeil), toutes les races sont concernées. Certains conseils s’imposent donc pour vous éviter de passer par les urgences vétérinaires.
La prévention contre les épillets passe par un examen minutieux de votre animal à chaque retour de promenade. Vous devrez vérifier les pourtours des oreilles, les espaces entre les doigts et le reste du pelage.
Nous vous conseillons aussi un toilettage régulier pour limiter la proliférations des poils dans les régions sensibles.
Nous pourrions vous dire d’éviter les zones à épillets. Mais leur dispersion par le vent rend cette résolution utopique, car nulle zone n’est épargnée, même en pleine ville.